Il est aventurier, pionnier, innovateur, à la fois médecin et explorateur. Bertrand Piccard est « une voix écoutée au sein des plus grandes institutions qui le considèrent aujourd’hui comme un leader d’opinion influent sur les thèmes du progrès et de la durabilité ». Fils de l’océanographe Jacques Piccard et petit-fils du physicien Auguste Piccard, il a réussi le premier tour du monde en ballon en 1999 avec le pilote britannique Brian Jones. Il a également co-développé et co-piloté l’avion solaire Solar Impulse. À bord de cet avion, il a réalisé un tour du monde avec un seul plein de carburant. Il a profité du confinement pour réfléchir à ce qu’il se passera après le Covid-19.
Aujourd’hui, Bertrand Piccard est engagé auprès de sa fondation Solar Impulse Foundation. Orateur indépendant, affilié à aucun lobby ou parti politique, il est consultant pour la recherche de nouvelles solutions sociétales. Il croit que nos sociétés pourraient à la fois être modernes et durables. Il travaille au développement de nombreux projets en ce sens. Interrogé par Niko Palosuo de la société Covestro, le psychiatre et aventurier a donné quelques conseils, pour valoriser cette période de confinement. Bertrand Picard a ainsi dressé les grandes lignes de ce que pourrait être le monde après le Covid-19. À condition toutefois d’accepter de transformer nos manières de penser.
Que faire de cette période de confinement ?
Pour Bertrand Piccard, il y a deux manières de vivre le confinement. La première consisterait à regretter, à s’inquiéter de ne pas pouvoir vivre et faire les choses comme d’habitude. L’autre serait de se demander, « Que puis-je faire aujourd’hui que je ne pouvais pas faire avant le confinement ? »… C’est évidemment la voie qu’il a choisi. Pour lui, le confinement a été l’occasion de se rendre plus disponible, et plus présent pour les autres. Il a pris le temps de conseiller ceux qui sollicitaient son aide. Il a également répondu aux interviews ou encore écrit des articles. Lui qui a vécu 20 jours dans une capsule avec son co-pilote, Bertrand Piccard connaît le confinement. Il a d’ailleurs rédigé un article très intéressant sur le sujet : « 10 astuces d’un aventurier pour mieux vivre le confinement ».
Pendant cette période si particulière d’isolement et de repli sur soi, l’important serait de ne pas se projeter au moment où le confinement sera terminé. Après le Covid-19… Si vous comptez les jours, les heures et constatez à quel point le temps est long, vous souffrez plus parce que le temps se dilate et paraît plus long.
« Vous avez besoin de vivre l’instant présent en connexion avec vous même avec votre corps, sentir que vous êtes vivant, que vous respirez, que vous vous déplacez, vous parlez, vous pensez… Ainsi, il n’y a plus de temporalité… Quand le confinement sera fini, vous serez surpris que cela soit déjà terminé ! »
Soigner les relations
Bertrand conseille également de soigner les relations si l’on partage ce moment avec quelqu’un. C’est l’occasion d’apprendre à communiquer. « La communication n’est pas que le partage d’informations qui peut aboutir à un conflit. La communication peut aussi être d’exprimer ce que l’on ressent à l’intérieur ». Bertrand Piccard n’idéalise pas pour autant ce moment. Il se souvient de tous ceux qui souffrent. Pour eux, la crise est particulièrement violente sur le plan sanitaire, social et économique. Mais il souhaiterait que quelque chose de positif et durable puisse émerger de cette situation difficile.
« Faites de ce moment une aventure… Acceptez que le confinement est une aventure et non une crise. »
Et le monde d’après le Covid-19 ?
Tout au long des 50 dernières années, les solutions proposées pour arriver à un développement durable étaient de réduire… Réduire le mode de vie, réduire le confort… Mais aujourd’hui des solutions protégeant l’environnement, créant de l’emploi, et profitant à l’industrie existent, et ce pionnier déplore que cela ne soit pas suffisamment su et compris. Pour cela, il est nécessaire d’identifier les technologies, les dispositifs, les matériaux, les produits qui peuvent dans le même temps protéger l’environnement, être une aide pour développer l’économie et créer de l’emploi. C’est ce que font les équipes de la Fondation Solar Impulse. Ils ont déjà identifié 450 initiatives qui ont été labellisées Solar Impulse Official Solution. Désormais Bertrand Piccard se rend disponible pour les gouvernements et les industries afin de leur montrer les outils à disposition qui n’opposent pas écologie et économie.
« Aujourd’hui l’écologie et l’économie peuvent fonctionner main dans la main. »
L’innovation au service de l’écologie
Dans cet entretien, Bertrand cite deux de ces innovations. Le séchoir solaire permet par exemple aux agriculteurs de conserver leurs récoltes sans avoir besoin d’un apport d’énergie supplémentaire. Cela permet de préserver leurs produits et de les vendre plus tard sans être soumis aux spéculations. Une autre de ces innovations est un revêtement textile sans solvant qui ne nuit pas à la santé des personnes qui le produisent ou qui le portent.
« Des nouveaux produits, pour une économie nouvelle et un nouveau monde. »
Au cours de ces explorations Bertrand Piccard a compris qu’il fallait toujours faire mieux dans le futur que ce que l’on a fait dans le passé. Et pour le monde d’après le Covid-19, l’aventurier espère le meilleur.
« J’espère que nous allons apprendre à faire mieux que dans le passé. Quand j’entends les gens qui disent vouloir retrouver le statu quo que nous avions avant, c’est très dangereux, très très dangereux… Parce que le monde d’avant la crise du coronavirus était instable, fragile, inégalitaire, pollué… Il changeait le climat et ne disposait même pas d’une bonne croissance économique. Il y avait beaucoup de récessions avant le Coronavirus. Nous devons construire un monde meilleur, nous devons faire un monde plus sûr, plus équitable, et pour cela nous devons être plus inclusif. Nous devons inclure beaucoup plus de personnes dans le développement économique, créer de l’emploi, des richesses et implémenter des nouvelles technologies. »
Investir dans le développement durable
Aujourd’hui des milliards de dollars vont être injectés dans l’économie. Voulons-nous reconstruire ce que nous avons perdu ou voulons-nous construire quelque chose de meilleur ? Pour Bertrand Piccard, les gouvernements devraient demander aux bénéficiaires des garanties, afin que les dotations soient investies dans des installations durables sur les plans économique, écologique, et social. Cela permettrait de remplacer un système ancien peu efficace et polluant, par des infrastructures modernes, sûres, efficaces et propres, avec un bon retour sur investissement.
« Si nous le faisons pas maintenant après la crise du Covid-19, je ne pense pas que nous le ferons un jour… »
La pandémie pourrait bien être l’occasion pour nos sociétés de se réveiller et d’utiliser les technologies et solutions qui aboutissent dans le même temps à la croissance et la protection de l’environnement. Le sera t-elle ?